Extraits de Décimations 2. L'Humanité véloce
Nous sommes morts
à l'aube de l'ancêtre
La nuit
nous existons
Nous portons en terre les débris
de mille espèces
et le secret de l'origine impure
Nous savons qu'il n'existe pas
dans l'univers
une seule intelligence
en paix
avec elle-même
Nous sommes vivants
Nous sommes vivants
dans l'atmosphère même
de la Terre creuse
aux cendres gravitées
par la physique imparfaite de l'Éden
Tous les matins j'efface le passé
Toutes les nuits je fuis vers le futur
et le présent s'étale
dans le ciel circulaire de la nécessité
Un jour viendra
où la vision universelle d'une intelligence étrangère
planera sur nos os
à la recherche d'une planète
aux impérieuses beautés
Ce jour-là
l'histoire s'écrira
de haut
en bas
Alors ne me parlez plus
de l'humanité des morts
celle des gains et des pertes
à la rigoureuse comptabilité
Ne me parlez plus
des vieux os armés
contre les cerveaux neufs
Ne me parlez plus
de cette humanité
qui vit
dans l'instant circoncis
avec le poids de dix mille années
d'agriculture
et de grégarité
Mon ancêtre peupla son insomnie
de dieux lares
et de glaives
Le silo à grain était plein
mais le futur
déjà
dépérissait
Mon ancêtre inventa la ville
pour mieux s'enfermer
dans l'agonie de l'autre
Mon ancêtre créa la poésie
et quand le poème se déchire
c'est le dernier cri d'une espèce qui s'éteint
Car l'humanité n'a pas le choix
de la parole
et du silence