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Renaud Longchamps

Photographié par Stéphanie Gilbert.

L'œuvre de Renaud Longchamps découle d’une interrogation poétique sur la place de l’humanité dans l’univers et l’insondable mystère de l’existence.

 

Depuis toujours, il questionne la poésie à la lumière d'un savoir rigoureux. De la sociologie à l’anthropologie, en passant par la cosmologie et la paléontologie, les diverses sciences abordées en amateur enthousiaste sont autant d’étapes sur le chemin d'un «grand tour» poétique.

 

Précisons ici que ce «grand tour» a toujours privilégié l’espace et le temps. L’espace permet de jeter un regard poétique tant sur le microcosme que sur le macrocosme. Quant au temps, il permet d’observer la poésie vivante à l’œuvre dans l’évolution passée, présente et même future de la nature terrestre.

 

Avant l’écriture du poème, le poète s'imagine dans la peau du physicien nucléaire qui ne peut briser l'ultime «brique» de la matière.  Devant cette impossibilité, il la bombarde avec des métaphores de haute énergie. Sur les négatifs de la nature apparaît alors une gerbe de particules secondaires.Sans jamais évacuer l’émotion, le poète analyse le résultat de ces collisions.  Les poèmes seraient-ils ces étranges débris de la vie qu'il faut dégager du mouvement aléatoire du coeur, analyser et interpréter avec la science de l'innocence ?

 

Dès les années 70, il se passionnait pour les mystères de la vie et de l’univers. Le Désir de la production (1981) et Miguasha (1983) constituèrent les deux premiers volets de Géologiques, cycle dans lequel l’interrogation poétique occupe un temps et un espace à la mesure du projet protéique (conservation) et prométhéen (reproduction) de la vie. Cet itinéraire, il l’a voulu "à la terre" et "près de ses vivants considérables". Le cycle suivant tenta de réconcilier la raison et l’émotion par son approche épistémologique du phénomène poétique. Le Détail de l’apocalypse (1985) et Anomalies (1985) furent inspirés par la théorie mathématique des catastrophes et par les mouvements incessants de l’univers qui s’agitent en notre "nécessaire matière".

 

À la fin des années 80, le temps était venu de critiquer les différents champs de la sensibilité poétique et du savoir survolés. Une synthèse fut écrite : Légendes suivi de Sommation sur l’histoire (1988, Prix Émile-Nelligan) et L’Échelle des êtres (1990).

        

C’est au cours des recherches effectuées pour l'écriture de Légendes que Renaud Longchamps fit une observation importante : la conservation et la reproduction, les deux finalités biologiques de la vie, avaient connu un tournant décisif il y a près d’un milliard d'années. À cette lointaine époque, la finalité de la conservation déboucha sur la prédation spécifique et intraspécifique; celle de la reproduction asexuée fut supplantée par la reproduction sexuée.  Ainsi la vie «divergea», se complexifia en créant l’Autre, et devint en quelque sorte «l'ennemie de la vie». Depuis lors, l'économie naturelle oblige la vie à se nourrir de la vie... afin de survivre. Il en découla alors Retour à Burgess (cf. L’Échelle des êtres) et Retour à Miguasha (cf. La Fin des mammifères).

 

Aux théories sur l’origine de la sexualité et de la prédation s’ajouta celle du paléontologiste Stephen Jay Gould. Selon ce dernier, l’évolution de la vie ne progresse pas selon une diversité croissante mais par diversification et décimation, c’est-à-dire par élimination aléatoire et gratuite. Le «sens» même de la vie se trouverait alors bouleversé, tant dans sa direction que dans sa signification. Toujours selon Gould, les espèces disparaissent ou survivent pour des raisons multiples et circonstancielles qui ont peu à voir avec la théorie darwinienne de l’adaptation et de la spécialisation. Bref, à ce jeu probabiliste, les survivants ne sont pas nécessairement «les meilleurs» mais les plus «chanceux»... Cette théorie servit de toile de fond au cycle de Décimations(1. La Fin des mammifères, 1992, Grand Prix de Poésie du Festival international de la poésie ; 2. L’humanité véloce, 1994 ; 3. Ataraxie, 1996).

 

Enfin, les questions soulevées dans ce cycle se trouvèrent au coeur de la trilogie de Communions (Fiches anthropologiques de Caïn, 1998 ; Silences et quelques éclats, 2000 ;  Pays, 2002) et dans celle de Visions (Visions, 2010; Positifs, 2011; Quatre saisons en enfer, 2013.