Extrait de Critique radicale de la réalité
Dans la guerre future
Dans la guerre future aux prophètes de la matière
prenez garde aux faux prêtres à la recherche
de cœurs putrides et de corps égarés
dans la réalité
Pour l’heure
il y a nos colères à l’ombre
mais l’ombre est un autre état de l’éclat
Guerre au ciel muet donné en pâture
aux dieux polymorphes dont l’achèvement
triomphe de la pauvre vie abusée
par la nature qui ne commande pas le néant
Guerre à ceux qui s’accouplent en souriant
à l’éternité provoquée
par nos amours à décomposer
Quant à nos peurs nous les purifions déjà
au laboratoire de nos haines et de nos lâchetés
La réalité imposée par la guerre de tous contre tous
ruine la vie menée à l’abattoir
avec la complicité de l’existence
Alors faites la guerre à la force et à la faiblesse
car elles sont les deux faces hideuses
de la même énergie en proie à l’épuisement perpétuel
dans des corps vains incapables de trouver
le chemin de la solitude et du dépouillement
au-delà de l’espace et du temps
Nos œuvres sont dérisoires signatures
sur une matière vivante mais brute
que nous ne reconnaissons pas
que nous ne reconnaîtrons jamais
même dans nos nuits d’insomnie
Nos œuvres sont de vains placements
d’une matière polyvalente pour une matrice
qui reproduit toujours les mêmes matrices
Nos rêves n’ont rien à voir avec le bonheur
car le bonheur sacrifie au rituel de la vie
mais la vie sans cesse sanctifie l’éphémère
et encense les révolutions toujours avortées
Simplement nous sommes en guerre éternelle
et ce n’est plus celle de tous contre tous
Simplement nous sommes en guerre contre le ciel
contre la réalité d’un ridicule décor cartonné
que nous abattrons un jour afin de ne plus voir
la lassante représentation des squelettes
dansant avec les chairs en joie
Quelqu’un veille
Quelqu’un veille à nous dévorer
pour satisfaire l’éternité
Mais nous ne savons rien de nos armes émoussées
dans des luttes trop terrestres pour être vraies
guerres que nous menons tant bien que mal
depuis des temps immémoriaux
entre les dieux odieux et les anges physiocrates
Nous ne savons rien du propriétaire de la réalité
Pourtant il nous possède
comme il possède l’espace et le temps
Pour l’instant le cosmos nous est interdit
car nous avons encore des comptes à régler
avec les monstres légaux de nos sociétés téméraires
Dans son sommeil ancestral
l’humanité ne peut occuper l’univers
tout simplement
La terre des vivants est le refuge de la matière
qui voit à la conscience du cœur
dans l’épuisement enfin heureux de la liberté
Nous habitons une réalité sans jamais
connaître la véritables dimension des êtres
En d’autres temps elle a été occupée
bien avant nos corps et nos cœurs
par des vampires qui ont bricolé notre déchéance
Dans chaque vie jusqu’à la fin de ses rêves
l’humanité passe son temps à reproduire
le rituel d’une nature toujours en voie d’épuisement
dans l’attente d’un autre paradis à photocopier
Nous avons une vague prétention au bonheur
mais sans le cadastre de nos désastres
nous ne pouvons justifier l’occupation
de nos corps laissés seuls au sol
Dérisoire prétention
Nous sommes en guerre éternelle
et nous ne savons rien de nos armes
Nous sommes condamnés à combattre
l’éternelle représentation de la terre et des vivants
pour le temps trop bien compté
avec les contractions involontaires des coeurs suppliciés
soumis au silence supérieur