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Renaud Longchamps

Photographié par Stéphanie Gilbert.

Extrait de Critique radicale de la réalité

 

Dans la guerre future

 

Dans la guerre future aux prophètes de la matière

prenez garde aux faux prêtres à la recherche

de cœurs putrides et de corps égarés

dans la réalité

 

Pour l’heure

il y a nos colères à l’ombre

mais l’ombre est un autre état de l’éclat

 

Guerre au ciel muet donné en pâture

aux dieux polymorphes dont l’achèvement

triomphe de la pauvre vie abusée

par la nature qui ne commande pas le néant

 

Guerre à ceux qui s’accouplent en souriant

à l’éternité provoquée

par nos amours à décomposer

 

Quant à nos peurs nous les purifions déjà

au laboratoire de nos haines et de nos lâchetés

 

La réalité imposée par la guerre de tous contre tous

ruine la vie menée à l’abattoir

avec la complicité de l’existence

 

Alors faites la guerre à la force et à la faiblesse

car elles sont les deux faces hideuses

de la même énergie en proie à l’épuisement perpétuel

dans des corps vains incapables de trouver

le chemin de la solitude et du dépouillement

au-delà de l’espace et du temps

 

Nos œuvres sont dérisoires signatures

sur une matière vivante mais brute

que nous ne reconnaissons pas

que nous ne reconnaîtrons jamais

même dans nos nuits d’insomnie

 

Nos œuvres sont de vains placements

d’une matière polyvalente pour une matrice

qui reproduit toujours les mêmes matrices

 

Nos rêves n’ont rien à voir avec le bonheur

car le bonheur sacrifie au rituel de la vie

mais la vie sans cesse sanctifie l’éphémère

et encense les révolutions toujours avortées

 

Simplement nous sommes en guerre éternelle

et ce n’est plus celle de tous contre tous

 

Simplement nous sommes en guerre contre le ciel

contre la réalité d’un ridicule décor cartonné

que nous abattrons un jour afin de ne plus voir

la lassante représentation des squelettes

dansant avec les chairs en joie

 

Quelqu’un veille

 

Quelqu’un veille à nous dévorer

pour satisfaire l’éternité

 

Mais nous ne savons rien de nos armes émoussées

dans des luttes trop terrestres pour être vraies

guerres que nous menons tant bien que mal

depuis des temps immémoriaux

entre les dieux odieux et les anges physiocrates

 

Nous ne savons rien du propriétaire de la réalité

 

Pourtant il nous possède

comme il possède l’espace et le temps

 

Pour l’instant le cosmos nous est interdit

car nous avons encore des comptes à régler

avec les monstres légaux de nos sociétés téméraires

 

Dans son sommeil ancestral

l’humanité ne peut occuper l’univers

tout simplement

 

La terre des vivants est le refuge de la matière

qui voit à la conscience du cœur

dans l’épuisement enfin heureux de la liberté

 

Nous habitons une réalité sans jamais

connaître la véritables dimension des êtres

 

En d’autres temps elle a été occupée

bien avant nos corps et nos cœurs

par des vampires qui ont bricolé notre déchéance

 

Dans chaque vie jusqu’à la fin de ses rêves

l’humanité passe son temps à reproduire

le rituel d’une nature toujours en voie d’épuisement

dans l’attente d’un autre paradis à photocopier

 

Nous avons une vague prétention au bonheur

mais sans le cadastre de nos désastres

nous ne pouvons justifier l’occupation

de nos corps laissés seuls au sol

 

Dérisoire prétention

 

Nous sommes en guerre éternelle

et nous ne savons rien de nos armes

 

Nous sommes condamnés à combattre

l’éternelle représentation de la terre et des vivants

pour le temps trop bien compté

avec les contractions involontaires des coeurs suppliciés

soumis au silence supérieur