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Photographié par Stéphanie Gilbert.

 ACCUEIL CRITIQUE DU LIVRE

 

Gabriel Guérin. http://www.cousinsdepersonne.com/wp/2013/09/illuminations/

Depuis une vingtaine d'années, Renaud Longchamps - écrivain, poète et critique - aura su se mettre à dos bon nombre d'acteurs de l'intelligentsia littéraire québécoise en osant critiquer l'œuvre d'auteurs établis tels que Dany Laferrière, Anne Hébert, ou encore Réjean Ducharme. Ses opinions à rebours, bien que justes à plus d'un titre, l'auront souvent rejeté dans les marges; Quatre saisons en enfer, son dernier opus poétique, ne changera rien à cette situation. Avec ce livre de la chimie, du verbe et de la "peur redevenue ancestrale", Longchamps s'adresse avant tout aux "amochés", aux "puckés", à ceux pour qui la vie a toujours été "un disgracieux pas de deux dans des sables mouvants".

Victor-Lévy Beaulieu, monument de la littérature québécoise et éditeur des Œuvres complètes de Longchamps, souligne l'éblouissement ressenti face au dur combat qui se joue entre les forces de la vie et de la mort à l'intérieur des pages de Quatre saisons en enfer. En quarante-six pages d'une prose relevant de l'orfèvrerie, Longchamps revisite l'enfer clinique de la chimiothérapie l'ayant débarrassé d'un cancer du côlon. Quatre saisons de traitements qui l'auront laissé au seuil de la mort. Le poète tire de cette expérience un journal empreint d'une franchise et d'une lucidité que d'aucuns trouveront choquantes. C'est pourtant grâce à cette franchise que le poète atteint une certaine vérité. Pour être à même d'apprécier celle-ci, il faut avoir vu la logorrhée qui frappe immanquablement les rescapés de la mort, leur soif insatiable de vie, mais également leur désir d'en finir au plus vite avec cette souffrance en forme de remède qui les ronge de l'intérieur. La langue précise et acerbe qu'utilise Longchamps pour décrire les effets collatéraux de la maladie est telle que le lecteur ne pourra que se sentir de trop devant cette âme mise à nu.

En s'interdisant sans arrêt le recours au sentimentalisme et au larmoyant, Renaud Longchamps signe un livre sans concession qui nous rappelle à quel point nous ne pouvons que subit l'existence "dans cette alternance de félicité et d'horreur qui exprime le rythme de l'être, ses oscillations, ses dissonances, ses véhémences amères ou allègres."

Et si l'équilibre nécessaire pour ne pas sombrer dans le nihilisme peut sembler difficile à trouver dans cet univers forclos, il n'en demeure pas moins qu'une harmonie précaire se dessine pages après pages, chaque manifestation de la maladie renvoyant subrepticement à une amplification de la vie. Il s'agit là d'un beau tour joué à la mort.

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 Quatre saisons en enfer, Éditions Trois-Pistoles, 2013, 48 pages.

 

Sur ce livre, Victor-Lévy Beaulieu a écrit: "Il est rare qu'un livre nous éblouisse au point d'être aveuglé par la lumière, blanche ou noire, qui en jaillit, dans une émotion telle qu'on se trouve au-delà du tragique, là où se combattent durement les forces de la vie et de la mort. Je n'ai pas peur de mes mots: Quatre saisons en enfer est un chef-d'oeuvre. Et lorsqu'on est devant un chef-d'oeuvre, c'est la beauté dans toute sa nudité qu'on rencontre. Devant la beauté toute nue, la parole de l'autre est toujours de trop: la beauté toute nue exige seulement de soi la pureté des profondes contemplations".

 

Après Confessions négatives et Positifs, Quatre saisons en enfer est le dernier volet de la trilogie de Confessions.