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Renaud Longchamps

Photographié par Stéphanie Gilbert.

ACCUEIL CRITIQUE DU LIVRE

 

Pierre Nepveu, Quelques voyages dans le réel, Spirale, novembre 1985, page 3.

La fréquence du mot "réel" dans la poésie québécoise des années quatre-vingt paraît proportionnelle à la difficulté que l'on a à atteindre une réalité devenue entité abstraite. Une poésie post-formaliste? Peut-être, mais ce "post-" ne devrait pas être vu comme une négation. Il s'agirait plutôt d'une sorte de formalisme réaliste, où l'écriture devient hyper-consciente de sa soif de réalité tout en mesurant combien celle-ci manque de substance et n'a d'intérêt que spectaculaire.

Il ne suffit pas de rappeler que le réel, la poésie a justement pour tâche de l'inventer. Ce n'est pas si simple. Au terme de la tabula rasa idéologique et historique des dix dernières années, il serait incroyablement naïf de croire que la poésie pourrait continuer (ou recommencer) à produire du réel sans rencontrer de très sérieuses difficultés. Au réel, il faut la dimension du temps, c'est-à-dire de l'événement (celui qui change tout, et non celui des journalistes). T. S. Eliot pensait qu'on ne pouvait pas écrire de la bonne poésie après trente ans si l'on avait pas le sens de l'histoire. On peut au moins se demander ce qui arrive lorsque l'histoire paraît ne plus avoir de sens. Sur quelles bases inventer le réel?

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Lorsque Renaud Longchamps écrit, dans Le Détail de l'apocalypse: "je vomis l'univers pour/cette horrible démonstration/de la vie", on semble retrouver le même rejet paradoxal, purificateur, que chez Denis Vanier. Avec une bonne quinzaine de recueils derrière lui, Longchamps demeure l'un des plus méconnus des poètes apparus au cours des années soixante-dix, et on comprend ici pourquoi. D'une manière encore plus radicale que Denis Vanier, et par d'autres moyens, il cherche la quintessence du réel, la "vie constante et refermée", mais il le fait avec une telle surenchère dans l'ellipse, la coupure, l'excision que le lecteur se voit à tout moment rejeté, invalidé.

Curieusement, le matérialisme depuis longtemps proclamé par l'écrivain débouche sur une sorte de moralisme assez proche de celui que l'on trouve chez des poètes héritiers de René Char: par exemple Dupin et du Bouchet. Plus précisément: une éthique de la rétention qui s'exprime dans des aphorismes comme: "naître d'une manière/à vaincre l'événement" ou "ne pas regretter/enfin/mais diminuer l'accomplissement/éternel suicide". Nous sommes à tous égards dans la pré-histoire, ce qui explique sans doute la récurrence des figures élémentaires comme celles de l'océan et de la terre.

Mais cette pré-histoire est actuelle, et non mythique. Longchamps la reconnaît dans les "vagues de métabolismes" et dans une sorte de perpétuelle tentation de chute dans la matière: "quand tu retournes au sol/gris/refoulant le risque de durer". L'écriture de Longchamps semble constamment déchirée entre le désir d'une absolue densité, d'une matière pleine et opaque, et ce "risque de durer".

"Failles initiales", dernier poème du recueil, est déplié devant nous dans ses phases successives d'écriture, et permet de voir à quel point il y a chez Longchamps une sorte de rage elliptique, comme si quelque chose du réel ne pouvait plus être saisi qu'en taillant en pièces le langage. En ce sens, on peut penser qu'il y a ici un refus de dépasser la modernité, un désir d'exaspérer les tensions, de réduire les énoncés jusqu'à les faire cracher une vérité hors de l'histoire, une vérité qui ressemble à la mort.

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Suite à une malencontreuse erreur de la nouvelle direction de VLB Éditeur, presque toute la première édition a été détruite. On estime à moins de cent les exemplaires en circulation.

 

Première édition:

Le Détail de l'apocalypse, VLB Éditeur, 1985, 121 pages.

Deuxième édition:

Dans Oeuvres complètes, Tome 4, Générations, Éditions Trois-Pistoles, 2001, pages 33-148.

 

Des extraits ont été publiés:

Dans la revue La Nouvelle Barre du Jour, numéro 122-123, février 1983, pages 159-161.

Dans la revue Estuaire, numéro 27, printemps 1983, pages 75-84.

Dans l'agenda 1984, The Muses' Company/La Compagnie des Muses, 1983.

Dans la revue Estuaire, numéro 32-33. été-automne, 1984, pages 102-103.

Dans l'anthologie Québec vivant, Sud, 1986, pages 149-151.

Dans la revue Maison de la poésie, "Poètes du Québec", numéro 2-3, 1988, page 69.

Dans la revue La Nouvelle barre du Jour, numéro 140, juin 1984, page 89.

Dans la revue Cahiers Bleus, "Lettres du Québec", numéro 38, été-automne 1986, pages 96-97.

Dans la revue L'Arbre à Paroles, numéro 55, septembre 1985, pages 93-95.

 

Le Détail de l'apocalypse, VLB Éditeur, 1985, 121 pages.