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Renaud Longchamps

Photographié par Stéphanie Gilbert.

ACCUEIL CRITIQUE DU RECUEIL

 

Philippe Haeck. L'oreille heureuse dans les Herbes Rouges, Le Devoir, le samedi 19 mars 1977, page 18.

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Dans Fers Moteurs (no 44) de Renaud Longchamps, il y a [...] trois parties: "prothèses" avec un exergue de Jacques Monod: "Tout être vivant est aussi un fossile"; "si dans les fissures" avec un exergue de Pascal: "La nature ne m'offre rien qui ne soit matière de doute et d'inquiétude" et "fractionnement du dehors" avec un exergue de Hegel: "Il abandonne le côté de l'indépendance de la chose à l'esclave, qui l'élabore". Textes durs qui secouent notre charpente charnelle (3), en montre les articulations raides à cause de tout ce dehors de machineries qui matraque notre dedans.

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 Dans toutes ces écritures il y a au moins deux ressemblances. L'une c'est que nous nous butons à un corps étranger. Étranger c'est-à-dire autre, différent du nôtre, résistant, neuf, différent de l'ancienne poésie lyrique piquée de fleurs maladives, de verlaineries, d'images surréalistes et de quêtes du pays. N'allons pas demander à ces écritures de ressembler aux anciennes, à celles que nous avons apprises à reconnaître comme poétiques, apprenons à écouter ce que nous ne reconnaissons pas, peut-être verrons-nous alors apparaître le monde moderne, ses bouleversements: ses maladies ahurissantes mais aussi ses luttes révolutionnaires pour un monde plus passionnant. La bonne poésie est amoureuse - c'est le rythme de la vie - et critique. Elle lutte contre les forces de mort qui oppressent le plus grand nombre des femmes et des hommes. L'autre ressemblance tient à l'étude, non pas des œuvres poétiques antérieures et contemporaines - ça, tout poète l'a toujours fait - mais à l'étude des autres discours: roman philosophie, cinéma, science de la nature, peinture, communisme, féminisme, théâtre, psychanalyse, danse, musique, etc. Cette nouvelle génération de poètes nés autour de 1948 ne fait plus de la poésie un langage isolé des autres langages, suspendu dans sa propre contemplation; la poésie devient une oreille à l'écoute de tous les discours qui circulent dans le monde actuel. La poésie fait entendre le chevauchement (ou la chevauchée) de toutes les voix qui font que je parle aujourd'hui comme ça. La poésie ne cache pas, elle révèle, elle expose - elle est toujours curieuse, inquiète et rieuse. C'est le printemps de la parole! Mais le plus souvent l'été ne suit pas, comme quoi la langue ne suffit pas à transformer le monde, il y faut aussi la force politique; alors il faut travailler à préparer un autre printemps, assez fort pour mener aux fleurs de l'été, un printemps où la révolution ne sera pas que dans l'écriture de nos désir.

(3) Je fais allusion à l'excellent premier livre de Renaud Longchamps, Anticorps suivi de Charpente charnelle, L'Aurore, Montréal, 1974.

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Normand de Bellefeuille, Une bonne fin d'année pour Herbes Rouges, La Presse, le 26 février 1977.

Décidément les derniers arrivages de 1976 nous auront réservé quelques surprises et ce non seulement quantitativement mais aussi au niveau de la qualité des textes reçus. Quelques-uns des meilleurs recueils de l'année sont donc parus au cours des dernières semaines de 1976 venant ainsi réhabiliter une saison jusque-là plutôt pauvre au domaine du texte poétique.

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 Fers Moteurs est certes le meilleur recueil de Renaud Longchamps et aurait sûrement mérité une place de choix dans le hit-parade de l'année. À première vue cela ressemble à ses textes précédents: des textes courts, en vers, une syntaxe difficile, le règne de l'ellipse, etc. Mais ce qui retient l'attention cette fois c'est une espèce de cohérence, une continuité d'un texte à l'autre, des réseaux thématiques admirablement bien structurés (le corps, la machine, l'argent) et surtout un effort de lisibilité:

reviens-en à l'essentiel des sexes râbles

qui te soutiennent tes chairs de chevet envers

durement sur verge s'écrasent les mains de paille

sur les poutres encavées et sortir en bavard

se durcissent les corps à corps des viandes furieuses

Cinquante-trois textes dont quelques-uns atteignent une certaine perfection.

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Dans un accès de rage, la totalité du tirage en inventaire de la première édition de ce recueil a été détruit par l'éditeur et n'apparaît plus dans son catalogue. Il est donc devenu une pièce de collection, pour ne pas dire une rareté. Avis aux collectionneurs!

 

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Première édition:

 

Fers Moteurs, Les Herbes Rouges, numéro 44, 1976. n. p.

 

Deuxième édition:

 

Dans Anticorps, poèmes 1972-1978, VLB Éditeur, 1982, pages 249-318.

 

Troisième édition:

 

Dans Oeuvres complètes, Tome 2, Explorations, Éditions Trois-Pistoles, 1999, pages 201-230.

 

 

 

Des extraits ont été publiés dans l'anthologie Vingt-cinq poètes québécois 1968-1978, Les Éditions de l'Hexagone, 1989, pages 136-138.

 

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Fers Moteurs, Les Herbes Rouges, numéro 44, 1976. n. p.