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Renaud Longchamps

Photographié par Stéphanie Gilbert.

Extraits de Décimations 2. L'Humanité véloce

 

 

 

Nous sommes morts

à l'aube de l'ancêtre

 

La nuit

nous existons

 

Nous portons en terre les débris

de mille espèces

et le secret de l'origine impure

 

Nous savons qu'il n'existe pas

dans l'univers

une seule intelligence

en paix

avec elle-même

 

Nous sommes vivants

 

Nous sommes vivants

dans l'atmosphère même

de la Terre creuse

aux cendres gravitées

par la physique imparfaite de l'Éden

 

Tous les matins j'efface le passé

 

Toutes les nuits je fuis vers le futur

et le présent s'étale

dans le ciel circulaire de la nécessité

 

Un jour viendra

où la vision universelle d'une intelligence étrangère

planera sur nos os

à la recherche d'une planète

aux impérieuses beautés

 

Ce jour-là

l'histoire s'écrira

de haut

en bas

 

Alors ne me parlez plus

de l'humanité des morts

celle des gains et des pertes

à la rigoureuse comptabilité

 

Ne me parlez plus

des vieux os armés

contre les cerveaux neufs

 

Ne me parlez plus

de cette humanité

qui vit

dans l'instant circoncis

avec le poids de dix mille années

d'agriculture

et de grégarité

 

Mon ancêtre peupla son insomnie

de dieux lares

et de glaives

 

Le silo à grain était plein

mais le futur

déjà

dépérissait

 

Mon ancêtre inventa la ville

pour mieux s'enfermer

dans l'agonie de l'autre

 

Mon ancêtre créa la poésie

et quand le poème se déchire

c'est le dernier cri d'une espèce qui s'éteint

 

Car l'humanité n'a pas le choix

de la parole

et du silence