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Renaud Longchamps

Photographié par Stéphanie Gilbert.

ACCUEIL CRITIQUE DU LIVRE

 

Roger Chamberland. Livres et auteurs québécois 1982, pages 125-126.

On se sent directement concerné par Le Désir de la production de Renaud Longchamps. D'abord, sur la couverture, il y a cette main, paume ouverte pour appréhender, au fond de laquelle un œil vert, vert de l'émeraude, avec ce point de lumière sur la pupille qui vous regarde et vous scrute. Tous les textes de Longchamps manifestent cette éloquente duplicité: celui qui voit est celui qui prend. Dans un geste d'appropriation qui confronte et l'objet et le sujet de ce saisissement, le langage, sans compromis au lyrisme ou à la facilité, rend compte de cette opération.

Mis en place par une préface de George-A. Mackay, cure de paroles pour rompre l'envoûtement, Le Désir de la production est dédié "à l'univers et à ses possibilités", rien de moins. Comme le souligne une citation de Claude Robitaille citée en épigraphe: "tu es brusquement ramené à la matière". Et cette matière s'éprouve en deux temps bien distincts mis en évidence par la construction même de la première partie: "Carbonifère". D'une part, il y a déstratification de l'ordre du désir: "je me vois entre les moments géologiques de mes sens/maintes fois malmenés en échange d'oxygène". Le poète procède à l'autopsie du corps désirant, envisagé dans les diverses étapes de la transmission du code génétique. Ce premier plan de lecture est renforcé par un autre texte, celui-ci réduit à une seule strophe, dont le titre à chaque page est le nom d'un des stades du développement géologique, abordé sous l'angle de l'entropie. Partant du "Pléistocène", qui marque le début de l'ère quaternaire, jusqu'au "Carbonifère", l'une des époques les plus reculées de l'évolution, Longchamps retourne aux origines, à l'ère de formation de l'humanité.

Dans "Le Désir de la production", la deuxième section, c'est le quotidien, la vie en usine, qui tombe sous la coupe radiographique. La formation géologique est soumise à des mouvements extérieurs prédéterminés, tout comme la sexualité fait partie du legs génétique parental et/ou social sur lequel il est pratiquement impossible d'agir, alors que l'objet de consommation est subordonné au travail mécanique du travailleur/travailleuse en usine. Le corps animé par le désir de la production s'abolit dans la machine, se fractionne également dans la routine. L'objet est totalement évidé de ses conditions de production, silencieux sur celui/celle qui l'a produit: rien n'y circule. C'est ce contexte tu, occulté qui est mis au jour par Renaud Longchamps.

Pour sa part, la troisième partie, "Une sensation épidermique de l'univers", présente un intérêt bien différent. Quatre subdivisions: "La matière", "L'Espace", "Le temps", "L'Univers", sont autant de motifs que le poète explore par des formules d'une riche concision. De "la Matière" à "l'Univers", on observe le passage d'un état du réel à celui de l'imaginaire, pressenti dans les stratifications de son évolution. D'où la justification de "Burgess", la dernière partie. L'auteur met en scène huit animaux de l'ère paléozoïque qui ont la commune ressemblance de faire partie d'un sous-ordre des faunes du Cambrien. Dès lors, tout le travail du texte consiste à appréhender un moment présent de l'univers avec celui d'il y a cinq cent trente millions d'années, de suivre les mutations cellulaires et celles des rapports humains. Mais, ce discours "archéologique" est en quelque sorte tributaire à l'observation quasi-entomologique du désir du vivant. Ici, encore, une phrase d'Aristote placée en exergue synthétise ce projet global: "Mais le sujet du désir, c'est la matière". On peut donc en déduire que la duplicité du discours poétique de Renaud Longchamps passe du désir à la matière, à travers une large symbiose assurée par le langage. Le poète oppose continuellement le statisme d'un état donné au dynamisme de l'évolution et de la transmission du code génétique où s'inscrit, entre autres, le désir. Tout le corps est surmultiplié. Toutes ses dispositions sont placées en relation d'occurrence avec l'ordre du monde que le poète tente de déjouer.

Le Désir de la production de Renaud Longchamps s'impose par le caractère excessivement soigné, travaillé de son langage. À peine quelques mots, quelques phrases parviennent à établir les points de fuite sur lesquels prend appui la perspective de la lecture. Le texte fouille, défossilise, met à nu l'architecture première de l'univers et du vivant.

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Normand de Bellefeuille. Pour lire l'univers, Spirale, numéro 25, mars 1982, page 4.

Le débordement, formel ou sémantique, n'a jamais été le propre de l'écriture de Renaud Longchamps. Il nous a habitués, depuis dix ans, à une poésie sans concession, sans facilité, à un texte rigoureux, original, qui ne cède en rien aux canons de la beauté poétique. Le Désir de la production se conforme à cette façon.

[...]

On retiendra surtout ici la partie qui donne son titre au livre. Pour sa part, "Carbonifère", l'ensemble initial, poursuit les "inquiétudes" matérialistes de l'auteur. Fossiles, strates, reptiles, tout y rend compte, dans une poésie "évolutive" de l'"état de matière", des écriture de la matière, de l'"imprimerie de la terre": figure géologique du désir et de la mémoire. [...]

L'ensemble le plus étonnant reste donc bel et bien "Le Désir de la production". "Qui parlera de l'usine en ses ruines?" La production, celle du texte, celle de l'organisation biochimique de la matière, devient tout à coup celle de l'usine: la job, la production aliénante, la chaîne de montage, le travail et le salaire à la pièce, l'horreur de la répétition: "le geste et sa répétition... la femme aussi que l'on utilise attablée à sa répétition". Le rendement, les jeans, les échéances, les fils qui dépassent, le minutage, les ciseaux, l'accident, le bleu de travail, la mutilation: "Écris ça aussi sur ton papier: ces doigts, ces ongles, ces mains coupées avec le rapport de l'horreur, ces aiguilles sur le fil, ce sang, quoi, qu'il faut verser pour l'erreur du producteur". Et peut-être le soulèvement, le cri ("Mais crier à l'emballeur: nos gènes forgent nos chaînes!"), la révolte ("Enfonce d'un poing la machine et regarde: de ses orifices suintent les désirs minimaux de la matière").

Il y a longtemps que nous n'avions pas eu de textes sur le "travail", ceux-là sont beaux, sobres, justes et ils disent l'espoir! "Le hasard parfois renverse la sauterelle pour qu'elle voie le ciel". Une autre façon de lire l'univers.

Tout le livre est ponctué d'encres et de photos qui, ne se contentant pas d'être belles et efficaces, restent tout près du texte... ce qui ne va pas toujours de soi.

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Pierre Laberge, Chroniques, Estuaire, automne 1982, numéro 25, pages 83-84.

Les poèmes de Longchamps tendent à énoncer des lois, des formules. Ils racolent peu, tout occupés à se connaître. Un certain dépouillement est exigé du percepteur, amené d'abord à palper sa propre opacité, son étrangeté, à laquelle on s'arrachera avec une impression de trahison, pour les besoins de la "cause toujours". Comme des faits saillants, ce sont textes à relire, voire au ralenti. Chaque recueil explore un aspect du trajet énergétique (pharmacologique: Sur l'aire du lire, cybernétique: Ditactique: une sémiotique de l'espèce , etc.). Ces recueils s'emboîtent les uns dans les autres, se corrigent l'un l'autre, appelant une problématique plus englobante, ou plus fondamentale. À partir de L'État de matière son discours se radicalise, il met l'accent sur la nécessité, la rigueur l'emporte sur certains recueils précédents, plus folâtres, comme si l'urgence ne souffrait plus de sourire.

Le Désir de la production (qui comprend: Une sensation épidermique de l'univers, Le Désir de la production, Burgess et Carbonifère) fait songer à un arbre géologique, bien que nous soyons invités à considérer "l'arbre comme un défaut"... L'ambivalence du titre pose la question: qui désire, ou qu'est-ce qui désire? Le renoncement métaphysique annoncé à la fin de Charpente charnelle est bien effectif avec le livre qui nous occupe, lui donnant son allure féroce. L'axe de référence: vêtement/peau/chair/ossature/fossile.

Une sensation épidermique de l'univers s'en tient aux éléments les plus pauvres: espace, temps, matière, univers. À la lisière du discours - et du zen -, le narrateur ne veut ni pénétrer au dehors ni s'émouvoir mais, réduisant la corruption des échanges, éprouver sa masse, et "l'agitation au piège de sa présence"; il se refuse à la séduction et à l'hystérie du mouvement (car "tout mouvement prend ses distances"), véhicule de l'illusion. Les significations sont attendues en terrain neutre: je mime mon apparence pour voir. Décodage minimal. Mais l'univers insiste, se laisse "désirer malgré [son] éternité".

Passons aux organes. Le recueil-titre appréhende le sujet si sensible du vêtement, car nul n'échappe à la crise du textile. Lyrisme à froid, comme il se doit ("le froid cette illusion de fourrure"). Prose raboteuse, qui élimine les oripeaux, poésie exacte. La problématique d'Anticorps s'élargit: le rejeton est maintenant à l'usine, où les "fils" tiennent autant à l'inceste qu'au tissu, parlés par "la syntaxe du sel", mode d'expression de l'esclavage. À Sisyphe, on enlèvera même son rocher: le corps se reconnaît "plaie de tantale" se consumant, en attendant le bonbon sexuel qui [trompe] la faim", salaire de l'animal, paie vive qui n'est accordée que pour être dépensée. Objets, sujets du désir, manipulés, programmés par l'hémorragie interne, "désirons-nous vraiment?" Comme à la cantine, dans la chorégraphie des échanges usuraires, n'y a-t-il "d'espace que pour les outils"? Manufacture du corps où veillent les fantasmes ("juste erreur du rêve") sur les câblages nerveux, chargés de stimuler la chair si défaillante. L'érotisme ici est négligé parce que trop soumis aux lois de l'échange, de même que le ludique, dans l'ensemble du volume, considéré comme une oxygénation "idoine", la langue n'étant qu'"autorisée sous le roulis de la machinerie" et le rie, "essentiellement matériel".

Notre préhistoire ("l'intérêt du réel") est interrogée par Burgess et Carbonifère dont les fossiles parlent évidemment de notre extinction possible, puisque "nous sommes dans la chair une histoire de nos débris". Caractère aléatoire de la survie des espèces. "Un jeu comme probabilités de protéines". L'écriture s'y faufile et procède à la "restitution matérielle". L'auteur voit dans sa propre "nécessité de s'inscrire" l'écho de ces formes déposées, tente de décoder, à partir de "l'imprimerie du sol", les motifs de complexification de la matière; de l'homo sapiens à la bactérie, du coït à la scissiparité, à travers les "moments géologiques de [ses] sens", il cherche la correspondance de l'écorce terrestre, un sens à la "lésion étrangère", aux "toxines de la nécessité". Le corps ici n'est pas qu'un thème littéraire mais le support d'une connaissance dont le sujet sera montré du doigt, à défaut de guérison. Car c'est à une enquête sur la maladie de notre espèce (cf. la sémiotique) que se livre Longchamps, et sur le défaut de la matière. Carbone 14 de l'imaginaire. Une histoire de sérotonine sous le cuir chevelu. Usine de la terre. Papier carbone permettant des variantes qui répètent implacablement: unité, division, entropie. Il est suggéré que les formes vivantes miment leurs rêves, et qu'elles le doivent. "Le rêve derrière soi en chaque composition des corps". Rêvées par le désir? Désirées par le rêve? "En toute matière la juste reproduction de nos rêves". Le "réel" oscille dans l'incertitude. Clin d'œil aux chercheurs.

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Stéphane Lépine. Nos Livres, volume XIII, avril 1982, numéro 174.

Me voilà devant une feuille blanche, à me ronger les ongles, animé par le désir de produire un commentaire sensé, et pourtant incapable d'éclaircir (et d'inscrire) mes impressions. La matière est abondante mais mes pensées ne réussissent pas à prendre forme. Je n'arrive pas à arrêter le mouvement. [...]

Dans Le Désir de la production, il y a l'aliénation, ce signe premier des temps modernes: l'aliénation de l'homme face à la machine. [...]

Le Désir de la production, c'est le désir de briser le rythme intolérable de la "machine", c'est refuser de reproduire l'héritage transmis de père en fils, c'est décider de remonter à la source, à la nature, aux premiers âges de l'homme ("notre préhistoire c'est l'intérêt du réel") et de tracer un nouveau parcours. Le désir, c'est "un cri aussi une nécessité de s'inscrire".

Renaud Longchamps veut redécouvrir "Les désirs minimaux de la matière"; Aristote, dans sa Physique, n'avait-il pas déjà dit que "le sujet du désir, c'est la matière"... et que "cette nature, certains autres l'ont atteinte, mais d'une façon insuffisante"? Longchamps veut tuer le père ("Mais je me mécanise malgré l'évidence: c'est l'espace du père") - associé au froid, à l'outil, "le père piétine" - et épouser l'imagerie féminine, adhérer à la mère, "car toute tête tombée, l'inceste veille sur ta chair". Nous assistons ainsi à une volonté naissante de déchirer les voiles et d'exhiber sa nudité, ses désirs interdits. "La présence, la présence/Aucune autre destruction nécessaire": prendre corps pour enfin se libérer.

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Michel Beaulieu, L'explorateur des mots, Livre d'ici, volume 7, numéro 20, février 1982.

La lecture des poèmes de Longchamps pourra sembler difficile, voire ardus, mais le sujet de son recueil le plus récent, Le Désir de la production, a de quoi fasciner même le lecteur le plus blasé. Longchamps explore en effet les âges préhistoriques, tant ceux qui virent l'éclosion des premières formes de vie que ceux où apparurent les lointains ancêtres de l'homme. On imagine mieux quels furent les tâtonnements de la nature, évolutive par définition, lorsque l'on sait qu'une infime minorité des formes de vie qu'elle a tentées subsistent de nos jours, descendant pour la plupart d'espèces fossiles qu'on a pu identifier (l'évolution du seul cheval mériterait qu'on s'y attarde, pour ne rien dire de celle des humains).

La suite de textes qui donne son titre au recueil oppose par ailleurs à l'évolution son produit humain - dans ce cas-ci l'auteur lui-même, obligé de travailler en usine et de répéter à l'instar de ses congénères les mêmes gestes jour après jour, année après année. Ne s'agirait-il pas plutôt d'une dévaluation, puisque l'organisation génétique qui nous constitue ne sera qu'une fois munie de conscience (on a calculé qu'à l'exception des jumeaux "identiques", les possibilités de voir apparaître deux individus munis du même code sont rigoureusement nulles). Mais en fait, ce que Longchamps dit, c'est ceci: de même que nous sommes tous tant que nous sommes insatisfaits de notre sort, de même la nature l'a-t-elle toujours été. Dans un cas comme dans l'autre, qu'il s'agisse de celui, flagrant, de l'écosystème profondément bouleversé à travers les âges, ou de celui qui nous occupe de plus près, tout sera toujours perfectible. En ce sens, Renaud Longchamps parle pour l'avenir. Ce qui ne devrait nullement empêcher qu'on le lise au présent.

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Claude Beausoleil. Renaud Longchamps ou les effets de la matière, Le Devoir, le samedi 15 mai 1982.

Il y a des poèmes qui se donnent comme des petits morceaux de réel, des poèmes qui semblent arrachés à la matière qui les soutient dans Le Désir de la production. Renaud Longchamps a publié plusieurs ouvrages de poésie et un roman. Il est relié par son travail à ce qui est convenu d'appeler la modernité.

Dès le début, ses textes se sont imposés comme étant une réflexion sur la matérialité, sur le corps et ses rapports avec le biologique, le périssable. [...]

Dans Le Désir de la production c'est l'origine et l'évolution de la matière qui sont scrutées. Le poète y définit les conditions internes du développement de l'univers à travers une histoire textuelle qui tient compte des informations et des cadres nécessaires à l'élaboration d'une vision la plus exacte possible du récit des phases de transformation de l'univers, cela dans le but affiché de donner au lecteur par l'écriture "Une sensation épidermique de l'univers".

Toutes les phases de la conservation et de la reproduction sont interrogées dans les poèmes de Renaud Longchamps. C'est comme si le texte soudain était là pour rendre des comptes à l'organique qui traverse tout signe d'existence. S'il y a un certain enrubannage scientifique dans cette poésie, il n'en demeure pas moins que le projet est tout entier tourné vers le tissage de l'écrit, ce par quoi ces constats essentiels prennent forme dans l'imaginaire de la lecture. Il y a dans ce genre de livre une expérimentation qui est originale et précise, justement hantée par ce qu'elle ne donne pas de prime abord, le non-dicible qui serait à l'origine hors-biologique du désir. Et cela Longchamps le laisse transparaître dans plusieurs passages de son ouvrage. En fait, est-il possible de tout jouer sur l'aspect extérieur ou évolutif de ce qui s'observe et se vit? Cette question fondamentale le recueil de Renaud Longchamps la soulève et nous donne l'impression d'y répondre. Car pourquoi tous ces mots et toutes ces pistes de recherche si ce n'est pour dire le machiné du corps, notre outil?

 [...]

Avec Le Désir de la production, Renaud Longchamps montre sa spécificité dans la poésie québécoise moderne. Ce recueil singulier parle de notre grandeur et de notre petitesse, à nous de relier les fragments.

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Hugues Corriveau. Lettres québécoises, numéro 27, automne 1982, pages 42-43.

Une certaine volonté de noblesse se dégage du Désir de la production de Renaud Longchamps. Et il est là, curieusement, question aussi des origines, mais telluriques, désir suscité par une curiosité constamment débordée du côté archaïque des choses et des êtres pris dans leur jus sacré, pourrait-on dire, souscrit dans leur devenir à partir de cet instant précaire de leur avènement. La distorsion est constamment temporelle, chez Longchamps, comme si se manquait dans la vision éloignée des choses la préhension adéquate qui ferait tenir tout l'univers dans la main. Une certaine mégalomanie dans la pulsion désirante du monde, comme une faim inassouvie. [...]

Pulsion productrice donc, et productive, dans l'entre-deux du désir écoutant, forme ronde des objets pris comme les silex pubiens ou les vénus originelles, vagues émotions des forme:

ta chair intéressée elle se fige constante complexité tu ne réclames plus l'échange en échange ni même l'humeur de ma chair et ses petites mutilations

Or, il faut savoir que "la matière", elle, "ne ment pas" pour que surnage çà et là quelques instants d'authenticité radicale. Le conflit permanent de ce désir s'articule entre le mensonge toujours précaire du rapport à l'autre et l'inévitable fermeté des choses données du monde. Il s'agit, peut-être, chez Renaud Longchamps de cette distorsion infinie où se compriment tant bien que mal l'essor et le ressort, la tension et la rétention, filée au fait du couvert et de la précarité malsaine des actes et des gestes.

C'est alors la question de savoir si dans l'Histoire du globe, dans les fusions chaudes des sols, n'allait pas surgir une certaine forme de vérité inscrite dans ce qu'il faut bien nommer la survie. [...]

Du "Carbonifère" (première partie) à "Une sensation épidermique de l'univers" (troisième) tout un tracé de recherches, tout un discours de préhension et de nomination. Une certaine forme de redite et de projet inscrit d'écriture. Le corps dans ses fonctions naturelles, dans ses désirs de corps s'affiche comme une roche acérée ou une effluve palpable des ères du feu. Comme s'il fallait pour Longchamps sortir le fossile de la pierre comme le corps de sa gaine ou l'amour de sa gangue. Une forme exacerbée de souffrance en ressort sous la froide apparence ou sous cette désillusion perpétuellement soulignée: "La présence, la présence/Aucune autre destruction nécessaire". "Au moins immobile en ces lieux/Je vais mourir de justesse".

Faut-il dire alors que l'intérêt majeur de ce recueil tient dans cette lucidité et dans sa forme sèche et rutilante à la fois. Intenable, le désir prononce et s'avoue, dissèque et s'inquiète, comme si le lieu de l'incertain parachevait l'histoire du livre comme l'histoire de dire forcément moderne les choses de la nécessité. Recueil à lire attentivement pour ce qu'il nous apprend de nous-mêmes et de nos difficultés à vivre absolument.

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Suite à une malencontreuse erreur de la nouvelle direction de VLB Éditeur, presque toute la première édition a été détruite. On estime à moins de cent les exemplaires en circulation.

 

Première édition:

Le Désir de la production, VLB Éditeur, 1981, 128 pages.

Deuxième édition:

Dans Oeuvres complètes, Tome 3, Évolutions, Éditions Trois-Pistoles, 2000, pages 7-125.

 

Des extraits ont été publiés:

Dans la revue Hobo-Québec, numéro 35, automne 1978, pages 32-33.

Dans l'anthologie Les Stratégies du réel/The Story so Far 6, traduction de Marc Plourde, The Coach House Press, 1979, pages 11-34.

Dans la revue La Nouvelle Barre du Jour, numéro 92-93, juin 1980, pages 180-185.

Dans la revue La Nouvelle Barre du Jour, numéro 100-101, mars 1981, pages 101-103.

 

Le Désir de la production, VLB Éditeur, 1981, 128 pages.