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Renaud Longchamps

Photographié par Stéphanie Gilbert.

ACCUEIL CRITIQUE DU LIVRE

 

Claude Beausoleil, Le Jour, le vendredi 27 février 1976, page 30.

Ditactique: une sémiotique de l'espèce est le titre du dernier recueil de Renaud Longchamps. Des textes poétiques mais construits à partir de tout un réseau de références scientifiques. Le langage vu comme un lieu où circulent tant des aspects du corps que de la science. Le dire et ses tactiques sont le point de ralliement où s'élaborent les courts textes du livre de Longchamps. Proposant un vocabulaire froid, l'auteur démonte devant le lecteur l'activité d'une écriture qui est à la fois ludique et concertée "autant interné le jeu au corps plein" (page 15). Une organisation de la matière, des "activités d'échange", des engrenages qui décrivent un éclatement du désir, du corps et des sens. Longchamps poursuit de façon personnelle et concise son travail de transformation de la forme poétique. "La décharge aussitôt s'immisce lecteur-messager" (page 13).

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Pierre Nepveu. Lettres québécoises, numéro 3, septembre 1976, pages 11-13.

Normand de Bellefeuille, Renaud Longchamps  et Roger Magini, tous poètes qui ont encore assez peu publié, développent chacun à leur manière une écriture qui trouve son lieu dans l'effacement du sujet, qui travaille avant tout la syntaxe et les ruptures. [...]

Renaud Longchamps, lui, ne joue pas, dans la brochure qu'il publie aux Éditions du Corps et qui s'intitule: Ditactique: une sémiotique de l'espèce. Longchamps est le plus expérimenté des poètes mentionnés ici, et l'on connaît surtout de lui Anticorps suivi de Charpente charnelle, qui date de 1974. Le titre même de ce nouveau recueil est un labyrinthe: d'abord "ditactique" bien sûr, mais aussi: tactique, tactile ("les traces tactiles s'illustrent...") et surtout peut-être une allusion au tactisme, terme de chimie organique qui concerne le mouvement des êtres vivants excités par une source extérieure d'énergie. Ce dernier sens est en fait le plus important et il rend compte de toute l'orientation de cette écriture: le matérialisme y devient scientifique, le sens se situe dans le corps biologique et chimique. Longchamps accumule les termes ou les allusions renvoyant à la science contemporaine: holographe, prothèse protéique, valence, hypothalamus, etc. La question du sens se pose encore en termes d'échanges et d'usinage, mais à l'intérieur de la "messagerie moléculaire" et du "métabolisme":

le corps-hypothèse illustre un travail en matières

charnel aménagement des sources de profit

que souvent les courbes limitent plaisir létal (page 11)

Les textes de Longchamps sont tous très courts (jamais plus de 5 ou 6 vers), écrits dans une syntaxe tendue, volontiers elliptique; cette tension recoupe celle du corps et du dire: parmi "les programmes de gènes", le "lieu du dire" désagrège, est une rupture d'équilibre. Tout se joue ici entre des couples de forces opposées: inerties et mouvement, ordre et entropie ou, pour reprendre la formule du généticien Monod, "le hasard et la nécessité":

l'organisé sûrement modifie le désir

se reconnaît actif sans ses carences

en autant mièvre mécanisme réactif

aux boucles épuisées de nos contingences linéaires (p. 25)

Derrière ce travail un postulat de base:

seule la matière signifie

nœuds que le mot dénoue sur le tard  (p. 12)

Les textes de Longchamps sont difficiles: ni évocation, ni musique, ni jeu. Ils mettent en branle toute une série de réactions qui, curieusement, nous mènent au bout de compte dans "l'anticorps", entre l'alpha et l'oméga ("AVEUGLES soleils implosent sur l'alpha"). Le "lieu précis et rose du sens" dont parlait De Bellefeuille se perd ici dans une étrange chimie universelle. La poésie fait de la science ce qu'elle veut bien faire. Cette tentative demeure intéressante au moins par l'intention qui s'y fait jour: créer un lien entre l'écriture poétique et la science, étudier le sens à partir du corps non comme simple machine désirante, comme sujet ou objet érotique, mais comme machine "fonctionnante". Non plus Freud ou Artaud, mais le cliquetis complexe du code génétique et des neurones.

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Robert Saint-Amour. Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome V, 1970-1975, pages 652-655.

 

[...] Il n'y a donc plus de surprise quand paraît Ditactique: une sémiotique de l'espèce (1975). Jeu de mots inspiré par le mot didactique, le didactique ne dit rien d'autre que le travail méthodique de l'écriture par une mise en place de signes (mots) dans le but d'obtenir un résultat concret: le poème.

À première vue, de la lecture de ces textes se dégage une impression de froideur tellement ils semblent dépouillés de toute fonction métaphorique, de toute émotivité. Mais, petit à petit, le poème s'anime par la répétition des sons, par des associations surprenantes faites de violence et de détentes:

le calfeutrer dans des formes de béquilles

puis démontre la contraction des viscères c'est

de peur lorsqu'elle localise la matière inouïe

quand sa reproduction si peu dans moteurs

si peu soucieuses en codes de plaie

Le poème se situe à la limite de l'hermétisme. Et une perspective puriste de la poésie parlerait de discours anarchisant et même de néomystification. Question d'appréciation.

Mais, pour Longchamps, la poésie reste un organisme vivant, en mutation constante. Chaque poème, chaque recueil représente un pas de plus dans l'opération de défossilisation du langage. Véritable moment d'abandon privilégié consenti à l'émotion, le poème bouge tout l'être en profondeur. Il sort le poète des sentiers battus et le lance à la recherche de son propre plaisir. Tel est l'unique point de référence, pour Longchamps: il ne saurait en exister un autre.

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Claude Beausoleil. D'Écrire, numéro 1, printemps 1976, p. 7.

"quand l'imagerie du corps circule nerveuse"

Le Ditactique: une sémiotique de l'espèce de Renaud Longchamps énonce (prononce) tout l'espace d'un jeu qui circulerait entre le corps (l'espèce) et la matière (la sémiotique). Trouver ce lieu de jonction ou de disjonction de ces deux pôles est la préoccupation de ce court recueil, sorte d'"attentat des formes". Longchamps, depuis Anticorps suivi de Charpente charnelle et Sur l'aire du lire, travaille à inscrire une biologie chimique du langage ("atome/collisions/microcosme/fissions/entropie/gènes/particules"). Les espaces du "jeu sans brouillard", ce qui s'y intercale: des textes, des mots, d'autres espaces affirmant "l'escalade" du corps comme enjeu de la fiction. Une poésie formelle, une recherche menée sur la syntaxe (contre), reprise en main, transformée. "déjà la cible se déplace sur l'enjeu cortical" (page 7). Une technique verbale, une transgression du code, "rondement remuées dans l'arène du corps" (page 8). Ditactique: les tactiques du dire, le verbe comme arme contre/pour le corps et le langage, "ce lieu dit de l'imprimerie logique" (page 7) et "le corps déborde à l'encontre d'images autoritaires" (page 21).

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Tiré à seulement 200 exemplaires numérotés, ce recueil a fait l'objet d'une diffusion restreinte, pour ne pas dire confidentielle. Il n'apparaît plus au catalogue de l'éditeur et n'est plus disponible dans le commerce. Une autre pièce de collection!

 

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Première édition:

 

Ditactique, une sémiotique de l'espèce, Éditions du Corps, 1975, 25 pages.

 

Deuxième édition:

 

Dans Anticorps, poèmes 1972-1978, VLB Éditeur, 1982, pages 351-374.

 

Troisième édition:

 

Dans Oeuvres complètes, Tome 2, Explorations, Éditions Trois-Pistoles, 1999, pages 297-320.

 

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Des extraits ont été publiés:

 

Dans la revue Les Herbes Rouges, numéro 19, avril 1974.

 

Dans l'anthologie Vingt-cinq poètes québécois 1968-1978, Les Éditions de l'Hexagone, 1989, page 136.

 

Dans la revue Action poétique, "Poètes du Québec maintenant", numéro 93, 1983, pages 39-40.

 

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Ditactique, une sémiotique de l'espèce, Éditions du Corps, 1975, 25 pages.